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Carried Interest : Fonctionnement, Fiscalité & Optimisation

Rédigé par Souleymane-Jean Galadima | Jul 24, 2024 6:37:52 AM

Part substantielle de la rémunération des fonds d’investissement en private equity, le carried interest est plus qu'une simple commission. C'est un outil stratégique conçu pour maximiser les rendements et assurer la cohésion d'objectifs entre ceux qui gèrent les fonds et ceux qui y investissent. Quel est son fonctionnement ? Sa fiscalité ? Comment financer ses parts de carried interest et optimiser sa gestion ? Voici les recommandations des experts Sapians. 

Qu’est-ce que le carried interest ? 

Le carried interest est la commission rétribuée aux gestionnaires d’un fonds d’investissement en fonction de sa performance. Le terme “commission de surperformance” est communément employé en français, mais on peut aussi rencontrer les expressions “intérêt différé”, “intéressement différé”, “intérêt reporté” ou “portage”, même si le raccourci anglophone “carry” reste le plus couramment utilisé. Cette pratique a pour objectif d’aligner les intérêts des investisseurs et des gestionnaires de fonds, en incitant ces derniers à maximiser le rendement 

Dans les faits, les gestionnaires sont légalement tenus d'investir personnellement au moins 1% du capital total apporté par les investisseurs dans le fonds. En contrepartie, ils ont la possibilité de percevoir un carried interest. Cependant, la perception de ce dernier est soumise à une condition de surperformance du fonds. Autrement dit, la performance doit excéder un seuil préalablement défini dans le règlement du fonds : “l’hurdle rate”. Ce taux de rendement interne (TRI) minimal varie habituellement entre 5% et 9% annuel (net de frais de gestion), et dépend du type de fonds et de sa stratégie d’investissement. Au-delà de ce seuil, l’équipe de gestion acquiert le droit au carried interest, qui s’élève généralement à 20% au-delà du hurdle rate. 

Par exemple, prenons le cas d’un fonds qui a pour objectif de générer 15% de TRI. Au-delà d'un hurdle rate fixé à 8% de performance/an, l'équipe de gestion percevra 20% de la performance. En revanche, si le hurdle rate n’est pas atteint, les gérants du fonds ne perçoivent pas de carried interest.  

 

Avis aux investisseurs : Il est important de tenir compte des conditions du carried interest avant d’investir dans un fonds. Un carried excessif ou activé rapidement viendrait nuire à la rentabilité finale.

C'est pourquoi les experts Sapians analysent attentivement cet élément lors de leur due-diligence des solutions d'investissement référencées sur notre plateforme, afin de garantir que le carried interest serve aussi bien les intérêts des gestionnaires que ceux des investisseurs. 

 

Qui peut bénéficier du carried interest ? 

Les partners 

Historiquement, les principaux bénéficiaires du carried interest sont les dirigeants et gestionnaires du fonds, ces “partners” tenant le rôle principal dans la prise de décisions d'investissement, la gestion du portefeuille et la stratégie globale du fonds. 

Les salariés des sociétés de gestion 

Toutefois, le carried interest demeure un outil de motivation à la performance et de fidélisation privilégié au sein des sociétés de gestion, qui en font profiter de plus en plus largement leurs salariés. Ainsi, dans de nombreuses sociétés de gestion, le partage de la valeur se fait également avec les analystes, les équipes techniques et autres membres support, car bien que ne participant pas directement aux décisions d'investissement, ces talents clés contribuent significativement à la recherche, à l'analyse de marché, à la gestion opérationnelle du fonds et donc à son succès.

Une récente étude menée par Armen et HEC révèle d’ailleurs que le carried interest est l’outil d’intéressement à la performance favori des sociétés de gestion, devant d’autres instruments financiers du management package. Cette tendance est particulièrement marquée en France, où plus de 40% des sociétés de gestion partagent ce bonus avec plus de 90% de l’équipe.

Lors du recrutement de nouveaux salariés au sein des sociétés de gestion, on constate d’ailleurs un attachement au carry, pour lequel la négociation porte tout autant sur la participation détenue que sur les clauses de vesting. Ces dernières peuvent être multiples : acquisition des droits après une période d’engagement minimale, selon la performance individuelle, ou encore l’atteinte de critères ESG… 

 

Les organisations non lucratives 

Certaines sociétés de gestion peuvent également décider de reverser une partie de leur carried interest à des organisations à but non lucratif. Cette pratique peut s’inscrire dans leur politique RSE ou être le fruit de leur engagement envers des causes spécifiques. Car n’oublions pas, depuis la loi PACTE, la société doit être “gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité” (article 1833 du Code Civil), et au-delà de l’aspect réglementaire, la prise en compte des enjeux sociétaux s’impose dorénavant comme un pilier incontournable des stratégies de gestion des fonds. 

Les business angels apportent leur savoir-faire et leur expérience pour aider les jeunes entreprises à réussir. Ils offrent des conseils stratégiques, partagent leurs réseaux et renforcent la crédibilité des startups. Cette contribution va bien au-delà du simple investissement financier et peut être une activité intellectuellement stimulante pour les investisseurs.

Comment fonctionne le carried interest ? 

1. La souscription des parts 

Le carried interest repose sur une participation spécifique détenue par les gestionnaires dans le fonds. Cette participation se matérialise par une souscription initiale au capital ou par l'acquisition de parts existantes. Les parts de carried interest accordent à ses détenteurs le droit de percevoir une fraction des plus-values réalisées par le fonds supérieure à celle des autres parts. Ces droits spéciaux sont inscrits dans la documentation juridique du fonds. 

La loi impose par ailleurs un taux de souscription minimal pour les gestionnaires, fixé à 1% du total des souscriptions pour les fonds inférieurs ou égaux à 1 milliard d'euros et à 0,5 % pour les montants supérieurs, hors dérogations spécifiques.  

 

2. Blocage des sommes 

Outre les clauses de vesting qui s’appliqueraient spécifiquement au contrat du bénéficiaire du carried interest, la loi impose une période de blocage de 5 ans sur les sommes perçues au titre du carried interest pour bénéficier d’une fiscalité réduite (prélèvement forfaitaire unique). Durant cette période, si des distributions sont effectuées, les sommes sont bloquées sur un compte spécifique et ne peuvent être touchées.  

3. Paiement non prioritaire 

La rémunération de la société de gestion via le carried interest passe en dernier, après que les autres porteurs de parts ont été remboursés de leurs apports initiaux et qu'ils ont perçu un rendement prioritaire prédéfini (hurdle). En règle générale, la part attribuée aux gestionnaires représente 20% des profits restants après avoir honoré les engagements envers les autres investisseurs. 

 

Comment financer ses parts de carried interest ? 

Plusieurs options s'offrent aux gestionnaires de fonds pour financer leurs parts de carried interest, chacune ayant ses avantages et ses inconvénients. 

Utiliser ses fonds propres 

Puiser dans ses économies personnelles ou utiliser des liquidités disponibles est l’approche la plus simple. Elle offre également l’avantage d’éviter les intérêts et autres frais associés aux prêts. Ce mode de financement nécessite cependant de disposer de capitaux importants, ce qui peut limiter la capacité à investir dans d'autres opportunités. 

Recourir à un prêt 

Le recours à un prêt est souvent l'option la plus intéressante, car elle permet d'utiliser l’effet de levier pour financer un investissement à haut potentiel de rendement. Si les taux d'intérêt et les modalités financières sont favorables, l’opération peut s'avérer très avantageuse. Cela ne doit toutefois pas faire oublier les coûts et risques liés à l’emprunt, en particulier en cas de non atteinte du hurdle rate, et donc en l'absence de versement de carry. 

Pour ce type d’opération, les crédits in fine sont généralement privilégiés. Le capital est remboursé en totalité lors de la perception des gains du carried interest, tandis que les intérêts sont payés mensuellement. D’autres structures de crédit peuvent également être envisagées. La durée du financement est généralement adossée à la durée de vie du fonds, soit 10 ans dans la plupart des cas. 

Il est possible de solliciter un prêt auprès de sa banque, ou dans une banque spécialisée dans le financement de carried interest (la plupart du temps des banques privées). Certaines sociétés de gestion bénéficient par ailleurs de partenariats avec des institutions financières. Bien que la banque puisse demander des garanties sur vos actifs personnels (immobilier, placements), elle sera souvent plus intéressée par les revenus futurs que vous percevrez, lui offrant l’opportunité de vous proposer des placements sur lesquels elle se rémunérera. 

Une autre possibilité est le prêt intra-groupe. Certaines sociétés de gestion proposent de financer les parts de carried interest de leurs salariés. Ce financement peut être négocié au sein du package salarial ou accordé de manière systématique. Les conditions de prêt sont fixées librement. Il peut s’agir d’un prêt classique, avec paiement d’intérêts réguliers et remboursement du capital in fine, ou d’une avance sur salaire. 

Enfin, des investisseurs externes, tels que des amis, la famille ou des business angels, intéressés par les gains futurs, peuvent également être en mesure de prêter de l'argent pour financer vos parts de carried interest.  

Utiliser les revenus futurs 

Une dernière option consiste à financer les parts de carried interest en utilisant les revenus futurs que ces parts généreront. Il est possible de négocier avec le fonds ou la société de gestion un accord de paiement échelonné des parts. Vous effectuez ainsi des paiements progressifs au fur et à mesure que les revenus sont distribués. Certains fonds permettent aussi l'anticipation des gains futurs. Par exemple, vous pourriez obtenir une avance sur les distributions futures, qui serait ensuite remboursée par les bénéfices générés ultérieurement par les parts de carried. 

 

Quelle est la fiscalité du carried interest ? 

Le traitement fiscal du carried interest peut affecter de manière significative le revenu net perçu. Deux règles s’appliquent en la matière. 

Le principe de base : imposition sur le revenu

Les sommes ou valeurs associées aux parts ou actions de carried interest sont imposables en principe comme un revenu du travail. Ils sont donc imposés au barème progressif de l'impôt sur le revenu (IR) auquel s'ajoute la contribution sociale salariale spécifique de 30%

Pour les contribuables les plus fiscalisés (tranches marginales d'imposition de 41% ou 45%) , ce régime est très punitif car la fiscalité peut facilement monter à 71%, voire 75%.

Sous certaines conditions : la Flat Tax (régime Arthuis) 

Les rémunérations du carried interest peuvent bénéficier d’une fiscalité plus avantageuse dans le cadre du régime Arthuis, régime fiscal spécifique au carried interest. Dans ces cas, la fiscalité appliquée sera celle du régime des plus-values de cession de valeurs mobilières ou des revenus de capitaux mobiliers selon la nature des distributions. 

C'est donc la flat tax au taux forfaitaire de 30% qui s’applique, ou, sur option, le barème progressif de l’impôt sur le revenu auquel s'ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 17,2%. Cette imposition concerne à la fois les plus-values de cession des parts et les distributions perçues. 

Pour bénéficier du régime Arthuis, certaines conditions doivent être respectées :  

Conditions liées au détenteur de parts :  

  • Exercer une activité salariée ou un mandat social dans une SCR, un FCPR, un FPCI, un FPS ou dans une société qui réalise des prestations de services liées à la gestion de l’une de ces structures d’investissement ;

  • Avoir souscrit aux parts à un prix correspondant à leur valeur ; 

  • Percevoir une rémunération normale au titre du contrat de travail ou du mandat social qui le lie à la société de gestion du fonds. 

Conditions liées aux parts :  

  • Constituer une même catégorie de parts ou d’actions, c’est-à-dire qu’elles doivent être clairement identifiées comme des parts de carried interest dans les documents juridiques du fonds ;

  • Respecter les minima d’investissements légaux (1% du montant total des souscriptions dans le fonds, hors dérogations) ; 

  • Ne pas donner lieu à des distributions effectives avant le délai de cinq ans. 

 

Attention ! Le contrat de travail peut stipuler que le départ de la société de gestion entraîne la perte au droit du carried interest. Dès lors, le montant investi vous est remboursé (sans plus-value), mais ce remboursement peut être considéré comme un salaire par l’administration fiscale !  

 

Besoin d'un accompagnement personnalisé pour vos démarches ? Choisissez le créneau qui vous convient pour échanger avec un conseiller. 

Comment optimiser la gestion du carried dans son patrimoine ? 

Diversifier : la règle d’or en investissement 

Le carried interest implique une exposition significative au private equity, une classe d’actifs qui offre historiquement d’excellentes perspectives de rendement, mais qui demeure risquée : risque de perte en capital, illiquidité, valorisation du non coté plus incertaine… 

Diversifier vos investissements vers d’autres classes d’actifs (bourse, immobilier, dette privée, infrastructures liquidités, etc.) permet de rééquilibrer votre portefeuille et de réduire ainsi le risque global.  

Anticiper ses besoins en liquidités 

Les parts d’un fonds d’investissement sont par nature des actifs illiquides qui requièrent une immobilisation des sommes pendant plusieurs années. C’est d’autant plus vrai avec le carried, les gestionnaires du fonds étant payés après les investisseurs. Il est donc essentiel de prévoir vos principaux besoins en liquidités sur les 5 à 10 prochaines années et de vous assurer que l’immobilisation des sommes ayant financé vos parts de carried ne vous empêchera pas d’honorer des dépenses majeures : achat immobilier, frais d’études, de santé, ou autre. 

Utiliser le carried comme garantie bancaire 

Certaines banques permettent cependant d’apporter ses parts de carried interest en garantie pour financer d’autres projets, notamment immobiliers. Le prêt peut généralement atteindre 30% de la valeur des parts. Cette solution offre une possibilité supplémentaire de tirer parti de votre carried interest sans attendre la liquidation du fonds. 

Réinvestir son carry de façon stratégique 

In fine, bien investir les retours de son carried est aussi essentiel qu’en anticiper les implications. Mais que signifie “bien investir” ? Chez Sapians, nous pensons qu’il s’agit d’une combinaison d’éléments permettant d’assurer la meilleure performance ajustée du risque, aligné sur vos objectifs financiers, votre situation personnelle et vos valeurs. Pour ce faire, nous avons développé une méthodologie patrimoniale par poches d’investissement (poche sécurité, poche projets et poche long-terme). Cette segmentation stratégique permet de prioriser vos objectifs financiers, tels que la préparation de votre retraite, un projet entrepreneurial, l'achat d'un bien immobilier ou la constitution d'un collatéral financier, par exemple, tout en veillant à l’équilibre de votre patrimoine et à l’optimisation des rendements.

Pour bénéficier de cette approche, nous vous invitons à renseigner un questionnaire sur notre plateforme en ligne afin de réaliser votre audit patrimonial. Cette étape primordiale est gratuite et ouverte à tous. Nos experts vous proposeront ensuite une stratégie d'investissement personnalisée, adaptée à vos besoins et à votre tolérance au risque.