Comment optimiser la fiscalité lors de la cession de son entreprise ? Comment préserver au mieux le fruit de son travail ? Car au-delà des aspects stratégiques et émotionnels, l’imposition de la plus-value de cession peut, elle aussi, fortement impacter le produit de la vente et vos projets post-cession. Sapians, le family office des investisseurs exigeants, vous présente huit méthodes d’exonération ou de réduction de l’impôt lors de la vente de votre entreprise.
Note importante : Cet article a une vocation informative et ne constitue pas un conseil juridique ou fiscal. Les dispositifs fiscaux évoluant régulièrement, nous vous recommandons de nous consulter pour obtenir des conseils adaptés à votre situation personnelle.
Les options permettant d’optimiser fiscalement la cession de son entreprise peuvent être amenées à changer au travers des différentes lois de finance. Nous rédigeons cet article en 2024 et certains points sont en discussions pour la prochaine loi de finance et susceptibles d’être modifiés.
Avant d'explorer les dispositifs permettant d’optimiser la fiscalité lors de la cession de son entreprise, revenons d’abord sur les règles générales d’imposition de la plus-value.
Si les titres sont détenus directement, les plus-values sont par défaut soumises au Prélèvement Forfaitaire Unique (PFU ou “flat tax”), soit une imposition globale de 30% : 12,8% d’impôt sur le revenu et 17,2% de prélèvements sociaux. Sur option, il est possible de choisir l’imposition au barème progressif de l’IR. Dans ce cas, l’intégralité des plus-values mobilières de l’année est soumise à votre taux marginal d’imposition, auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2%.
La détention des titres d’entreprises au travers de fonds fiscaux peut permettre de bénéficier d’une fiscalité plus douce (prélèvements sociaux de 17,20% au lieu de la Flat Tax à 30%). Ce mode de détention est toutefois moins courant en pratique.
Lorsque des titres de son entreprise sont détenus dans une enveloppe fiscale (assurance-vie, contrat de capitalisation, compte-titre, PEA…), la fiscalité sera celle prévue par cette enveloppe.
Certaines peuvent prévoir des avantages fiscaux sous certaines conditions que nous détaillerons plus loin dans cet article.
La Contribution Exceptionnelle sur les Hauts Revenus est un impôt complémentaire qui s’applique lorsque le revenu fiscal de référence (RFR) dépasse 250.000 € pour une personne seule, ou 500.000 € pour les couples mariés ou pacsés soumis à une imposition commune.
La CEHR est calculée selon un barème progressif.
Pour une personne seule :
0% sur la fraction du RFR jusqu'à 250 000 €.
3% sur la fraction comprise entre 250 001 € et 500 000 €.
4% sur la fraction supérieure à 500 000 €.
Pour un couple soumis à imposition commune :
0% jusqu'à 500 000 €.
3% entre 500 001 € et 1 000 000 €.
4% au-delà de 1 000 000 €
Bon à savoir : Un système de lissage (aussi appelé “mécanisme du quotient”) peut s’appliquer lorsque les revenus sont considérés comme exceptionnels en raison de leur montant, comme c’est souvent le cas lors de la cession de son entreprise.
Le "mécanisme du quotient" permet d’atténuer son imposition à la CEHR si trois conditions sont remplies :
Le revenu fiscal de référence de l’année d’imposition est supérieur ou égal à 1,5 fois la moyenne des revenus fiscaux des deux années précédentes.
Les revenus fiscaux des deux années précédentes étaient inférieurs aux seuils d’assujettissement à la CEHR (250 000 € ou 500 000 €).
Vous avez été passible de l’impôt sur le revenu les deux années précédentes pour plus de la moitié de vos revenus de source française ou étrangère de même nature que ceux entrant dans la composition de votre revenu fiscal de référence.
Si vous optez pour l’imposition au barème progressif de l’impôt sur le revenu, la base imposable des plus-values mobilières peut être réduite sous certaines conditions. Ces abattements ne sont pas applicables en cas d’imposition au PFU et les prélèvements sociaux sont toujours dûs sur 100% de la plus-value.
Les titres acquis avant le 1er janvier 2018 bénéficient d’abattements sur la plus-value :
Pour les titres acquis après cette date, en revanche, aucun abattement pour durée de détention n'est applicable.
La cession de titres de petites et moyennes entreprises créées depuis moins de 10 ans profite d’abattements significatifs sur les plus-values réalisées :
Le chef d’entreprise cédant ses titres en vue de son départ à la retraite peut bénéficier d'un abattement fixe de 500 000 € sur la plus-value réalisée (article 150-0 D ter du CGI), sous réserve de respecter certaines conditions :
Le dirigeant cède l’intégralité des titres détenus ou plus de 50% des droits de vote, ou, s'il ne détient que l'usufruit des titres, la cession porte sur plus de 50% des droits aux bénéfices.
Il doit avoir exercé des fonctions de direction de manière continue pendant les cinq années précédant la cession.
Il doit avoir détenu au moins 25% des droits de vote ou des droits aux bénéfices pendant les cinq années précédant la cession.
Il doit cesser toute fonction dans la société et faire valoir ses droits à la retraite dans les deux ans suivant ou précédant la cession.
Attention ! Tous ces abattements ne sont applicables que lors de cession de titres d’entreprise ayant une activité “économique”, c’est-à-dire une activité commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole. Les activités de gestion de patrimoine ne sont pas éligibles.
L'apport-cession, régi par l’article 150-0 b Ter du Code général des impôts, est une stratégie d’optimisation fiscale qui permet de reporter l'imposition sur les plus-values lors de la cession de votre entreprise via une holding. Autrement dit, l’impôt n’est pas immédiatement exigible, mais il n’est pas non plus supprimé : soit un événement vous fait sortir du dispositif, et l’impôt doit dès lors être payé (sans intérêts supplémentaires), soit vous entrez dans l’un des cas d’exonération et l’impôt est purgé. Voyons cela plus en détail :
Voici les grandes étapes du processus :
Vous créez une holding dont vous avez le contrôle. Retrouvez ici nos conseils sur le choix de la structuration juridique en apport-cession.
Vous apportez les titres de votre entreprise à cette holding. Cet apport génère une plus-value, mais l’imposition de celle-ci est reportée.
La holding cède les titres apportés. Si la cession se fait à la même valeur que l’apport, il n’y a pas de plus-value constatée à ce niveau.
Pour que l’impôt sur la plus-value ne devienne pas exigible suite à la cession des titres par la holding, il faut :
Bon à savoir : Les activités de gestion de patrimoine ne sont pas éligibles au remploi en apport-cession, ce qui exclut en principe l’investissement immobilier. Il existe toutefois quelques solutions pour réinvestir en immobilier en apport-cession, notamment via certains fonds de private equity. Contactez nos experts pour en savoir plus.
En principe, le report d’impôt est temporaire. Celui-ci deviendra exigible si vous vendez ou liquidez la holding, ou si vous transférez votre domicile fiscal hors de France. L’article 150-0 B ter du CGI prévoit toutefois deux cas d’exonération totale de l’impôt sur la plus-value de cession :
Dans ce dernier cas, la plus-value sera définitivement purgée si les donataires conservent les titres pendants 5 ans ou 10 ans :
Les associés d’entreprises individuelles ou de sociétés imposées à l’IR peuvent bénéficier d’une exonération des plus-values si l’activité est économique (commerciale, industrielle, artisanale, libérale ou agricole) et est exercée à titre professionnel depuis au moins 5 ans.
Pour bénéficier de l’exonération, le chiffre d’affaires annuel moyen des deux dernières années ne doit pas dépasser les montants suivants :
Certaines enveloppes fiscales offrent également une imposition plus favorable. Les gains réalisés sur un PEA ou un PEA-PME de plus de 5 ans sont exonérés d’IR (mais pas des prélèvements sociaux).
Pour un contrat d’assurance-vie ou un contrat de capitalisation de plus de 8 ans, les plus-values bénéficient d’un abattement fiscal de 4 600 € pour une personne seule ou de 9 200€ pour un couple marié ou pacsé, et l’imposition est réduite à 7,5% d’IR, auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux de 17,2%.
Un compte-titres en revanche, n’offre aucun avantage fiscal.
Attention car la détention des titres de sa société dans des enveloppes comme le PEA, le contrat d’assurance-vie ou de capitalisation est en pratique complexe à mettre en place. Seuls par exemple les contrats luxembourgeois permettent ce mode de détention, et sous conditions prévues par l’assureur.
Les plus-values réalisées via la détention en direct de fonds dits “fiscaux”, tels qu’un FPCI fiscal ou un FCPR fiscal bénéficient d’une exonération d’impôt sur le revenu après 5 ans de détention. Seuls les prélèvements sociaux (17,2%) restent à payer.
En pratique, il est rare de détenir des titres de son entreprise au travers d’un fonds fiscal, ces véhicules étant destinés à des prises de participations dans le cadre d’investissements.
La plus-value réalisée lors de la cession de titres à un membre de sa famille (conjoint, ascendants, descendants, frères et sœurs du cédant ou de son conjoint) peut bénéficier d’une exonération d’impôt sur le revenu sous certaines conditions (article 150-0 A du CGI) :
L’exonération est également maintenue en cas de transmission à titre gratuit des droits sociaux pendant le délai de cinq ans suivant la cession –sous réserve, bien sûr, que cela ne cache pas en réalité une mutation à titre onéreux.
Attention, ce dispositif exonère d’IR, mais la plus-value demeure soumise aux prélèvements sociaux (17,2%).
La donation-cession consiste à donner les titres de votre entreprise à vos héritiers avant la cession. Cette stratégie permet de purger la plus-value latente au moment de la donation, l’unique impôt dû étant celui des droits de mutation à titre gratuit (DMTG) par le donataire.
Voici le barème des DMTG pour la donation à un enfant :
Cet impôt peut en plus être optimisé via un abattement de 100 000 € déductibles tous les 15 ans par enfant, et, selon les objectifs des héritiers, par la mise en place d’un pacte Dutreil (nous y revenons après). L’opération de donation avant cession vise tant à optimiser la fiscalité de la cession qu’à organiser la transmission de son patrimoine.
Pour bien comprendre l’intérêt fiscal, comparons les deux situations :
Il est également possible d'effectuer la donation en démembrement, ce qui offre une certaine souplesse dans la mise en place de stratégies de transmission et de cession de son patrimoine professionnel. Dans ce cas, la plus-value n’est purgée qu’à hauteur de la valeur de l’usufruit ou de la nue-propriété transmise. De même, les droits de mutation sont dus uniquement sur la valeur de la nue-propriété donnée. La valeur de la nue-propriété et de l’usufruit est déterminée selon l’âge de l’usufruitier, comme suit :
Barème de la valeur de la nue-propriété et de l'usufruit en cas de démembrement (art. 669 du CGI)
Exemple : Un chef d’entreprise de 55 ans donne à son fils la nue-propriété de son entreprise valorisée à 2 millions d’euros. Il se réserve l’usufruit des droits financiers et de gestion. La plus-value à ce jour est de 1,8 million d’euros. Compte tenu de l’âge du dirigeant usufruitier, la valeur de l’usufruit est de 60%, la nue-propriété de 40%.
La plus-value est purgée à hauteur de la valeur de la nue-propriété cédée, soit 720 000 € (40% de 1,8 million d’euros). La base taxable pour les droits de mutation à titre gratuit est déterminée par la valeur de la nue-propriété des titres, soit 800 000 € (40% de 2 millions d’euros).
Davantage stratégie de transmission de son entreprise que d’optimisation de la cession à proprement parlé, le Pacte Dutreil n’en est pas moins intéressant puisqu’il peut, dans certains cas, s’adjoindre aux stratégies d’exonération précédemment présentées. Ce dispositif fiscal accorde une exonération des droits de mutation sur les trois quarts de la valeur des titres lors de la transmission par donation ou par succession de son entreprise à un membre de sa famille, que celle-ci s’opère en pleine propriété, en nue-propriété ou en usufruit (sous conditions).
Les exonérations suivantes sont par ailleurs cumulables avec le pacte Dutreil :
Exemple : Un dirigeant de plus de 70 ans souhaite transmettre son entreprise à son fils. L’entreprise est valorisée à 2 millions d’euros. L’abattement de 100 000 € a déjà été utilisé au cours des dernières années.
Dans cette configuration, hors dispositif Dutreil, les DMTG s’élèveraient à 662 394€, soit plus de 33% de la valeur des titres. Avec le pacte Dutreil, en revanche, les droits de mutation ne s’élèvent plus qu’à 98 194 €, soit un peu moins de 5% de la valeur transmise.
Pour bénéficier des avantages fiscaux du pacte Dutreil, il faudra toutefois respecter certaines conditions :
Vous connaissez désormais les principales stratégies permettant d’optimiser votre fiscalité lors de la cession de votre entreprise. Mais attention, la mise en place est complexe et doit répondre à des règles strictes pour éviter une requalification en abus de droit. Elle doit aussi s’inscrire dans une démarche patrimoniale plus large, tenant compte des besoins futurs, des projets personnels et familiaux.
Sapians, family office augmenté et partenaire d’avocats fiscalistes et de notaires aguerris aux problématiques des chefs d’entreprise, vous accompagne dans la structuration et la réalisation de la cession de votre entreprise. Prenez rendez-vous avec nos conseillers pour bénéficier de conseils personnalisés.