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Indivision et héritage : guide complet pour gérer un patrimoine à plusieurs

Rédigé par Souleymane-Jean Galadima | Sep 5, 2025 6:00:00 AM

Lorsqu’une succession aboutit à une indivision (situation où plusieurs héritiers possèdent en commun un patrimoine du défunt) sa gestion peut vite s’avérer complexe. Chaque indivisaire (cohéritier) détient une quote-part théorique de chaque bien, qu’il s’agisse d’un bien immobilier, d’un compte-titres ou d’un contrat de capitalisation, sans division matérielle immédiate. L’héritage indivis impose donc aux héritiers de prendre des décisions conjointes sur l’ensemble des actifs concernés.

Comment gérer un patrimoine à plusieurs ? Quelles solutions et stratégies pour éviter les conflits entre héritiers ? Ce guide pratique, à destination d’investisseurs particuliers héritiers, apporte des réponses pédagogiques, des conseils concrets et des exemples pour naviguer sereinement dans la gestion d’un patrimoine en indivision. 

En tant que multi family office, les conseillers patrimoniaux de Sapians peuvent vous accompagner dans ces démarches. N’hésitez pas à solliciter un diagnostic patrimonial personnalisé.

Convention d’indivision et mandataire : organiser la gestion commune

Que faire si l’indivision est maintenue, volontairement ou par nécessité ? Heureusement, il existe des outils juridiques pour assouplir la gestion de l’indivision successorale et prévenir les litiges entre héritiers.

>> Article complémentaire : Succession et héritage : les 6 étapes à suivre (démarches, délais, fiscalité, conseils...)


La convention d’indivision

La première recommandation aux héritiers co-indivisaires est de formaliser une convention d’indivision. Prévue par le Code civil, cette convention est en quelque sorte un « pacte » entre les héritiers pour demeurer provisoirement en indivision tout en aménageant son fonctionnement. Tous les indivisaires doivent y consentir unanimement, et elle doit être constatée par écrit (acte sous seing privé ou notarié) en identifiant précisément les biens indivis et la part de chacun. En présence d’immeubles, un acte notarié sera nécessaire pour l’enregistrer à la publicité foncière. 

La convention d’indivision peut être conclue pour une durée déterminée, maximum 5 ans renouvelables, ou pour une durée indéterminée. Si elle est à durée fixe, elle fige l’indivision pendant ce laps de temps : aucun héritier ne peut exiger le partage avant l’échéance, sauf « justes motifs » appréciés par le juge (par ex. inexécution grave de la convention). Une convention à terme fixe apporte donc de la stabilité, pratique si les héritiers s’engagent à conserver un bien quelques années (ex : le temps de sa valorisation ou de trouver un acquéreur).

À l’expiration des 5 ans, la convention peut être renouvelée expressément ou par tacite reconduction. En l’absence de renouvellement, l’indivision retombe dans le régime légal classique à la fin du terme. Si la convention est à durée indéterminée, chaque indivisaire conserve théoriquement le droit de demander le partage à tout moment (avec obligation de bonne foi), mais la convention peut prévoir des modalités d’avertissement, un préavis, etc.


Contenu de la convention

Surtout, la convention d’indivision permet de régler la gestion quotidienne : elle peut désigner un gérant de l’indivision (choisi parmi les héritiers ou même une personne tierce de confiance) et lui confier des pouvoirs étendus pour administrer les biens indivis.

Elle peut définir quelles décisions nécessitent l’accord de tous et lesquelles pourront être prises à la majorité (par exemple : autoriser la majorité des 2/3 à passer certains actes importants sans attendre l’unanimité, sauf vente d’immeuble qui, de toute façon, reste soumise à l’accord de tous hors procédure judiciaire spéciale). La convention peut aussi répartir les dépenses entre les indivisaires, fixer les règles d’utilisation des biens (ex. planning d’occupation d’une maison de vacances familiale), organiser la vente de parts entre héritiers (clause de préemption interne), etc. En somme, c’est un contrat sur-mesure qui adapte le régime rigide de la loi à la situation particulière des héritiers. 

 

Exemple d’utilisation

Suite au décès de leurs parents, deux sœurs héritent d’un appartement et de placements financiers. L’une habite à l’étranger et ne souhaite pas vendre tout de suite, l’autre vit sur place et serait prête à gérer la location de l’appartement quelques années.

Les deux sœurs signent une convention d’indivision pour 5 ans : elles y nomment la sœur locale gérante de l’indivision (chargée de louer l’appartement, d’encaisser les loyers sur un compte indivis et de payer les charges courantes).

La convention prévoit qu’elle percevra une petite rémunération annuelle pour sa gestion, et que les décisions de location ou menus travaux pourront être prises par elle seule jusqu’à 5 000 € de dépenses, au-delà en accord commun. Il est aussi stipulé que si une sœur veut vendre sa part à un tiers, l’autre aura un droit de préemption. Ce pacte familial évite les frictions et fige les règles du jeu pour 5 ans, à l’issue desquels elles réévalueront la situation. 

Une convention d’indivision bien rédigée est fortement conseillée lorsque des héritiers souhaitent rester copropriétaires quelque temps, par exemple pour gérer un patrimoine immobilier locatif en attendant une opportunité de vente plus tard, ou pour ne pas brusquer un membre de la famille attaché au bien. Elle évite que la règle de l’unanimité ne bloque tout ou que l’un ne force prématurément le partage.

Un notaire ou un avocat peut vous assister dans la rédaction d’une telle convention, afin d’anticiper tous les cas de figure (pensez à préciser comment réagir en cas de mésentente avec le gérant, ou de décès d’un indivisaire en cours de convention).

 

Notez enfin qu’il n’est pas possible de déroger totalement à la loi : par exemple, même avec une convention, on ne peut pas vendre un immeuble indivis sans tous les consentements, sauf à recourir à la procédure judiciaire décrite ci-après. 

 

Mandataire successoral et administration judiciaire

Que se passe-t-il si les héritiers n’arrivent vraiment pas à s’entendre, ou si l’un fait obstacle à la gestion saine de l’indivision ? Le législateur a prévu des recours judiciaires pour prévenir la paralysie ou protéger l’intérêt commun du patrimoine. 

Le mandataire successoral (ou administrateur provisoire de la succession) est un dispositif introduit par la loi du 23 juin 2006. Il s’agit de la nomination, par le tribunal, d’une personne qualifiée chargée d’administrer provisoirement la succession. Un héritier, un créancier ou tout intéressé peut demander en justice la désignation d’un tel mandataire en prouvant que c’est justifié par l’inertie ou la faute de certains héritiers dans la gestion, par leur mésentente, une opposition d’intérêts ou la complexité de la succession.

Ce mandataire successoral judiciaire recevra du juge les pouvoirs d’accomplir les actes nécessaires pour préserver et administrer le patrimoine commun. Par exemple, il pourra collecter les revenus, payer les dettes urgentes (impôts, charges…), réaliser des actes conservatoires et peut-être certains actes de disposition avec l’autorisation du tribunal.

 

Important : ce mandataire reste une solution provisoire et subsidiaire. Son rôle n’est pas de confisquer l’héritage mais d’éviter qu’il ne soit gâché par l’inaction ou la discorde des cohéritiers. Dès que ceux-ci retrouvent un terrain d’entente ou qu’une décision est prise sur le sort de l’héritage, son mandat prend fin. 

 


Le mandataire successoral conventionnel

Signalons que, sans attendre un juge, les cohéritiers peuvent d’un commun accord mandater l’un d’entre eux ou un tiers pour gérer la succession. Par exemple, ils peuvent donner procuration à l’aîné pour qu’il effectue en leur nom les actes courants (vendre certains actifs mobiliers, payer des factures, représenter l’indivision auprès de la banque, etc.).

Ce mandat amiable peut être intégré à la convention d’indivision. Toutefois, il requiert la confiance de tous et n’empêche pas un héritier de revenir sur son consentement. En cas de conflit larvé, le mandat judiciaire offre plus de protection car il s’impose à tous. 


Mesures judiciaires contre un héritier bloquant

Si un héritier s’oppose systématiquement aux décisions au point de nuire à l’intérêt commun, d’autres solutions judiciaires existent. L’article 815-5 du Code civil permet à un indivisaire de solliciter du tribunal l’autorisation de passer seul un acte pour lequel le consentement d’un cohéritier était requis, si le refus de celui-ci met en péril l’intérêt commun de l’indivision.

C’est une procédure utile, par exemple, lorsqu’un héritier refuse la vente d’un bien alors que le conserver serait préjudiciable (entretien coûteux, marché immobilier défavorable plus tard, etc.). Le juge peut alors autoriser la vente malgré l’opposition, considérant que le blocage met en danger la valorisation du patrimoine commun.  

 

Attention, il faut saisir le juge avant de passer l’acte litigieux, et démontrer le péril à agir vite. 

 

Enfin, nouveauté notable depuis une réforme récente : la vente judiciaire à la majorité des 2/3. L’article 815-5-1 du Code civil prévoit qu’un ou plusieurs héritiers représentant au moins 2/3 des droits indivis peuvent, après avoir formalisé devant notaire leur intention de vendre un bien indivis, saisir le tribunal pour être autorisés à le céder malgré l’opposition de la minorité.

Cette procédure est un outil puissant pour débloquer une indivision où une minorité d’héritiers faisait obstruction à une vente inéluctable. Elle évite de devoir attendre un hypothétique accord unanime ou un péril imminent. Toutefois, elle impose de respecter un formalisme strict avec notaire et juge, et peut prendre plusieurs mois. 

En résumé, la convention d’indivision et le mandataire (amiable ou judiciaire) sont des moyens d’organiser ou de préserver la gestion de l’indivision sans la casser, tandis que les autorisations judiciaires (article 815-5 ou 815-5-1) sont des moyens de forcer des actes malgré un refus injustifié. Ces dispositifs montrent qu’il est possible de gérer activement un héritage indivis, même en présence de conflits – à condition d’agir de manière encadrée. Bien sûr, idéalement, la cohésion familiale et la discussion permettent d’éviter ces voies contentieuses.

Chez Sapians, nous encourageons toujours une solution amiable via un conseil patrimonial, médiateur familial, un notaire ou un avocat avant d’aller au tribunal. Nos experts peuvent également vous orienter vers des partenaires avocats spécialisés en successions si une action judiciaire s’avère nécessaire. 

 

Anticiper et structurer la transmission pour éviter l’indivision

L’idéal, pour éviter les écueils de l’indivision successorale, est d’anticiper en amont au niveau du titulaire du patrimoine (le futur défunt). Plusieurs outils et stratégies patrimoniales permettent de prévenir la situation d’indivision ou d’en atténuer les effets.


La donation-partage 

C’est le « partage anticipé » fait du vivant, qui permet à une personne de distribuer tout ou partie de ses biens entre ses héritiers présomptifs, de son vivant, par acte notarié. Les biens sont ainsi attribués dès maintenant à chaque enfant (ou héritier), évitant qu’ils se retrouvent en indivision plus tard.

La donation-partage présente l’avantage de figer les valeurs au jour de la donation et d’utiliser les abattements fiscaux entre parent et enfant. Bien menée, chaque héritier reçoit des biens ou valeurs équitables. C’est sans doute le moyen le plus efficace d’éviter les conflits successoraux : tout est déjà partagé avant le décès.

Cependant, elle nécessite l’accord de tous les enfants (ils acceptent le partage) et un certain détachement de la part des parents (ils doivent transmettre la propriété, même s’ils peuvent conserver l’usufruit de certains biens). La donation-partage peut être imparfaite si les valeurs bougent ou si des héritiers réservataires manquent (enfants nés après, etc.), mais globalement elle limite fortement l’indivision à venir. 

 

L’assurance-vie

Un contrat d’assurance-vie n’entre pas dans la succession (il est « hors succession » pour la quotité et la fiscalité dans les limites légales). En désignant directement des bénéficiaires, le souscripteur s’assure que le capital ira aux personnes choisies sans passer par l’indivision successorale.

Par exemple, un père peut allouer via l’assurance-vie un capital à un enfant pour équilibrer le fait que l’autre héritera de la maison. L’assurance-vie permet ainsi de fournir des liquidités immédiates à certains héritiers au décès, ce qui peut éviter des tensions (on n’a pas besoin de vendre un bien pour les payer) et contourner une indivision trop déséquilibrée. Attention toutefois à respecter la part réservataire des héritiers dans les primes versées, pour éviter des contentieux post-décès

>> Article complémentaire - Bénéficiaire d’assurance vie : comment débloquer les fonds (France ou Luxembourg)

Le mandat à effet posthume

C’est un mandat donné par une personne de son vivant, qui ne prendra effet qu’à son décès, pour permettre au mandataire désigné de gérer tout ou partie de la succession. Ce mandat à effet posthume peut viser, par exemple, la gestion d’une entreprise ou d’un patrimoine complexe, afin qu’un gérant de confiance continue d’administrer les biens indivis pour le compte des héritiers pendant une période donnée (max 2 ans renouvelables, voire 5 ans renouvelables avec autorisation judiciaire).

Ce mécanisme évite une vacance ou une mésentente immédiate : le mandataire (souvent une personne de la famille ou un professionnel choisi à l’avance) gère selon les instructions du défunt, en attendant que les héritiers s’accordent sur le partage. Cela peut s’avérer précieux si les héritiers sont mineurs, éloignés, ou en désaccord latent.  

La préparation successorale via une SCI ou une société holding

Si l’on anticipe que ses héritiers ne parviendront pas à gérer ensemble, loger les actifs dans une structure de gestion (SCI, société patrimoniale, holding) de son vivant, et y associer ses futurs héritiers, peut cadrer les choses. Les règles statutaires joueront alors à plein lors de la transmission, évitant l’indivision brute.

Par exemple, un père peut créer une SCI familiale dont il détient 100% des parts, y placer ses immeubles, puis donner des parts à ses enfants progressivement. Au décès, les enfants se retrouvent co-associés dans la SCI plutôt qu’en indivision sur les immeubles, avec un gérant éventuellement déjà en place et des statuts qui prévoient comment décider. C’est une manière soft d’instaurer une gouvernance qui survivra au décès. 

 

Le démembrement de propriété au sein de la famille

On l’a évoqué, attribuer l’usufruit d’un bien à quelqu’un et la nue-propriété à d’autres évite qu’ils ne soient en indivision sur la pleine propriété. Un cas typique est la protection du conjoint survivant : par le jeu de la loi (droit viager au logement) ou de dispositions testamentaires, le conjoint peut obtenir l’usufruit de certains biens (notamment le logement familial) tandis que les enfants ont la nue-propriété. Pendant toute la durée de l’usufruit, les enfants nus-propriétaires ne peuvent pas utiliser le bien sans accord du conjoint usufruitier, et réciproquement le conjoint ne peut le vendre sans les enfants.

Certes, cela crée une indivision fonctionnelle entre usufruitier et nus-propriétaires, mais leurs droits étant différents, les conflits d’usage sont moindres : l’un a la jouissance, les autres la perspective de récupérer le bien plus tard. Le démembrement peut donc pacifier temporairement la situation, à défaut de la résoudre définitivement. De plus, fiscalement, l’usufruit du conjoint est exonéré de droits de succession, et la base taxable des enfants est allégée par la valeur de l’usufruit. C’est un outil à ne pas négliger dans l’anticipation successorale. 

En combinant ces approches, il est souvent possible d’éviter de laisser à vos héritiers un patrimoine indivis ingérable. Le maître-mot est l’anticipation : un inventaire clair de vos actifs, une réflexion sur qui serait le plus à même de gérer tel bien, et la mise en place de solutions de transmission adaptées (donation, assurance-vie, SCI…) constituent le plan d’action recommandé.  

Vers une gestion sereine de votre héritage indivis

Gérer une indivision successorale est un défi à la fois technique, financier et humain. Ce conflit d’intérêts latent entre copropriétaires d’un héritage demande de la diplomatie et des outils adaptés. Heureusement, comme nous l’avons vu, de nombreuses solutions existent. 

Le mot de la fin ? Ne restez pas seul face à ces choix complexes. Faites-vous accompagner par des professionnels du patrimoine. Chez Sapians, nous mettons à votre disposition l’expertise croisée de nos conseillers financiers, notaires partenaires et avocats spécialisés pour vous aider à naviguer dans la gestion ou la liquidation d’une indivision successorale. Notre approche pédagogique et objective vous permettra d’y voir clair sur vos options (rester en indivision, créer une SCI, vendre ou conserver les biens…), d’en anticiper les conséquences fiscales et familiales, et de prendre les décisions qui serviront au mieux vos intérêts et ceux de vos proches.  


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