Quitter la France avec des titres de société peut déclencher un impôt redouté : l’exit tax. Ce dispositif fiscal, souvent mal compris, s’applique notamment à ceux qui veulent s’établir à l’étranger tout en détenant des participations significatives dans des sociétés françaises.
Mais faut-il vraiment s’en méfier ? Comment éviter l’imposition immédiate ? Quelles sont les erreurs à ne pas commettre ? Faisons le point.
L’exit tax est un mécanisme fiscal instauré en 2011. Il vise à empêcher les contribuables français de contourner l’imposition sur leurs plus-values en transférant leur domicile fiscal à l’étranger.
Concrètement, l’administration française impose les plus-values latentes sur vos titres (parts sociales, actions…), même si vous ne les avez pas encore cédés, au moment du départ de France.
Trois types d'actifs sont visés par ce dispositif : les plus-values latentes sur des titres ou droits sociaux, les créances de complément de prix (issues de clauses d'earn-out), et les plus-values déjà en report d'imposition, notamment dans le cadre d'un apport à une holding.
En quittant la France, vous êtes donc potentiellement imposé sur un gain que vous n’avez pas encore réalisé.
Tous les contribuables ne sont pas concernés par l’exit tax. Il faut remplir deux conditions cumulatives :
Cela signifie qu’un entrepreneur fondateur, même si sa start-up n’a pas encore atteint une forte valorisation, peut tout à fait entrer dans le champ de l’exit tax s’il détient la majorité du capital.
L’exit tax ne concerne pas tous vos avoirs, mais uniquement certains types d’actifs.
Actions, obligations, parts sociales ;
Créances de complément de prix ;
Titres concernés par un report d’imposition antérieur.
Si vous avez principalement investi via des supports comme le PEA ou l’assurance-vie, vous pouvez échapper à l’exit tax
Dans la majorité des cas, vous ne serez pas imposé immédiatement au moment de votre départ. La loi prévoit des sursis d’imposition, automatiques ou non, selon votre pays de destination.
Vous bénéficiez automatiquement d’un sursis d’imposition si vous vous installez dans :
Dans ce cas, vous n’avez besoin ni de garanties ni de déclaration anticipée : la fiscalité française est mise entre parenthèses tant que vous ne réalisez pas vos plus-values.
Si vous partez vers un pays hors UE sans convention d’aide au recouvrement avec la France, vous devrez :
Ces garanties peuvent prendre la forme de nantissement de titres de sociétés françaises, ou d’affectations hypothécaires.
Pour entendre Léa Zérili, avocate fiscaliste au sein du cabinet Delsol Avocats, apporter des éclaircissements indispensables sur le sujet, retrouvez son passage dans le podcast Le Family Office avec Lucien Roy, family-officer chez iVesta et hôte du podcast.
La durée du sursis dépend de la valeur des titres au moment du départ.
Vous ne payez rien si vous ne vendez pas vos titres pendant ce délai. Passé ce délai, les plus-values sont définitivement exonérées coté français.
En revanche, pour les plus-values en report d'imposition (issues par exemple d'un apport à une holding), il n'y a pas de dégrèvement (diminution totale ou partielle pratiquée sur le montant de l'impôt dû) automatique. Le sursis subsiste aussi longtemps que les titres n'ont pas été cédés, ce qui peut durer dix, vingt ans, voire plus. Une donation, un retour en France ou une succession permettent dans certaines conditions de purger ce sursis.
Sur le plan financier, l'exit tax est un impôt de 30 % sur les plus-values latentes qui est généralement mis en sursis (12,8 % au titre de l'impôt sur le revenu, et 17,2 % de prélèvements sociaux). Cet impôt reste figé sur la valeur des titres au moment du départ. Si vous vendez ultérieurement à un prix inférieur, un recalcul sera effectué pour ajuster l'impôt dû.
Ce formulaire doit mentionner :
Délais et modalités de dépôt
Les années suivant celle du transfert, le contribuable doit en principe déposer une déclaration de suivi des impositions (formulaires 2074-ETS1, 2074-ETS2, 2074-ETS3, ou 2074-ETSL selon le cas) afin d'assurer le suivi des impositions en sursis de paiement.
Toutefois, depuis la loi de finances pour 2019, si le contribuable bénéficie du sursis de paiement seulement au titre des plus-values latentes, il n'est plus tenu de déposer chaque année la déclaration de suivi 2074-ETS. Cette déclaration ne doit être déposée qu'en cas d'événement mettant fin au sursis ou motivant un dégrèvement.
En cas de survenance d'un événement motivant une restitution ou un dégrèvement (cession, rachat, annulation, donation, décès, etc.), une déclaration spécifique doit être déposée l'année suivant la survenance de l'événement, à la date limite de déclaration des revenus, indiquant la nature et la date de l'événement.
Le défaut de production de la déclaration lors du transfert ou en cas d'événement entraînant le dégrèvement ou la restitution de l'impôt entraîne l'exigibilité immédiate de l'impôt en sursis de paiement. Toutefois, l'impôt n'est exigé qu'à défaut de régularisation dans les 30 jours suivant la notification d'une mise en demeure.
Si le principe de l’exit tax est relativement clair, sa mise en œuvre recèle de nombreux écueils. Certains choix patrimoniaux, anodins en apparence, peuvent vous enfermer dans des schémas fiscaux particulièrement rigides. Voici les principaux pièges à anticiper.
1. Apport à une holding après le départ : risque de sursis sans fin
Effectuer un apport de titres à une holding que vous contrôlez, après avoir quitté la France, vous place dans une zone grise du droit fiscal. Contrairement au régime classique du report d’imposition (150-0 B ter), aucun mécanisme ne permet ici de purger le sursis.
Résultat : vous restez durablement redevable d’un impôt théorique… sans jamais pouvoir en sortir. Même un retour en France n’y met pas fin. Ce type d’opération, souvent mal anticipé, peut créer un blocage durable.
Lorsque vous fournissez des garanties à l’administration fiscale (par exemple un nantissement de titres), une partie de vos dividendes peut être automatiquement bloquée. En pratique, jusqu’à 30 % des distributions peuvent être placées sous séquestre pour couvrir l’impôt potentiel lié à l’exit tax. Un détail technique qui peut sérieusement affecter votre trésorerie personnelle, notamment si vous comptiez sur ces dividendes pour financer votre installation à l’étranger.
L’un des enjeux majeurs de l’exit tax est d’éviter une imposition simultanée par la France et le pays d’accueil. Heureusement, un mécanisme d’imputation existe : l’impôt éventuellement payé à l’étranger peut être déduit de l’imposition française. Encore faut-il que la convention fiscale entre les deux pays le prévoie expressément, et que la plus-value soit effectivement reconnue et taxée localement. Une analyse fine, pays par pays, est donc indispensable.
L’exit tax peut sembler technique, voire dissuasive. Mais bien préparée, elle ne doit pas être un frein à votre projet de mobilité internationale. Tout est une question d’anticipation et de structuration patrimoniale. Si vous êtes entrepreneur ou dirigeant et que vous envisagez un départ à l’étranger, faites-vous accompagner dès les premières réflexions.
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