La SCI familiale est une société civile créée par des proches afin de détenir et gérer ensemble un patrimoine (souvent immobilier). Contrairement à l’indivision (qui est un régime légal par défaut, sans personnalité morale), la SCI est une personne morale dotée de statuts. Elle offre un cadre plus structuré pour organiser la copropriété sur la durée.
Le choix entre demeurer en indivision ou constituer une SCI dépend de nombreux facteurs patrimoniaux, relationnels et fiscaux. Voici un comparatif des deux modes de détention dans le contexte d’un héritage.
Indivision rime avec simplicité et rapidité. Aucune démarche spécifique n’est requise pour « créer » l’indivision successorale, elle existe de plein droit dès l’ouverture de la succession.
En face, la SCI nécessite des formalités de constitution (rédaction de statuts, immatriculation au registre du commerce) et engendre des frais (honoraires de notaire ou d’avocat pour les statuts, capital social à prévoir, greffe, comptable éventuel etc.). Il faut au minimum deux associés pour créer une SCI, ce qui est généralement le cas dans une succession avec plusieurs héritiers.
En indivision, chaque héritier détient une part directe de chacun des biens (quote-part indivise). Avec une SCI, c’est la société qui devient propriétaire des biens et les héritiers détiennent des parts sociales de la SCI proportionnelles à leur apport (souvent, chaque héritier apporte ou se voit attribuer sa part de chaque bien à la SCI).
Autrement dit, les héritiers ne sont plus copropriétaires en direct de la maison ou du portefeuille-titres : ils sont propriétaires de parts de la société qui possède ces actifs. Cette distinction apporte une séparation entre le patrimoine personnel des associés et le patrimoine de la société, ce qui peut protéger les héritiers des risques liés aux biens (les dettes de la SCI restent en principe à la charge de la société, même si les associés en sont responsables sur leurs propres biens en cas de défaillance – responsabilité illimitée mais non solidaire, à proportion des parts).
L’indivision impose l’unanimité pour la plupart des décisions importantes, faute de quoi les cohéritiers doivent trouver un compromis ou saisir le juge. Au contraire, la SCI permet d’aménager finement les règles de gouvernance dans ses statuts : nomination d’un gérant (qui peut être un des associés ou une personne tierce), définition des quorum et majorités pour les décisions collectives, clauses d’agrément en cas de cession de parts, etc.
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Par exemple : il est possible de prévoir que les décisions de gestion courante se prennent à la majorité simple des parts, que certaines décisions stratégiques requièrent une majorité renforcée (2/3 ou 3/4 des voix), et de nommer un gérant avec les pouvoirs les plus étendus pour administrer les biens. Cela confère à la SCI une flexibilité accrue et une efficacité de gestion souvent supérieure à l’indivision, où l’absence de structure de direction formelle peut paralyser les opérations.
En somme, la SCI formalise la gestion à travers des statuts, aidant à prévenir les conflits en fixant des règles claires ex ante. L’indivision, elle, repose sur la bonne entente spontanée ou sur le cas par cas, ce qui peut fonctionner dans des familles unies et réactives, mais montre vite ses limites en cas de désaccord ou d’indécision.
Un avantage souvent cité de l’indivision est la liberté individuelle : chaque héritier peut demander à sortir quand bon lui semble en forçant le partage. Cette possibilité permanente peut rassurer (on ne « s’enferme » pas dans une structure contraignante).
En parallèle, la loi offre aux coindivisaires un droit de préemption : si l’un d’eux vend sa quote-part à un tiers étranger, les autres sont prioritaires pour racheter cette part et maintenir le bien dans la famille.
À l’inverse, dans une SCI, un associé qui veut se retirer doit trouver un acquéreur pour ses parts (ou que les autres les lui rachètent) et respecter d’éventuelles clauses d’agrément (les statuts peuvent imposer que les associés restants approuvent le nouvel entrant).
La sortie est donc plus encadrée et potentiellement plus longue. Cependant, cet inconvénient est aussi un atout de stabilité : un associé ne peut forcer la dissolution de la SCI du jour au lendemain (sauf clauses spécifiques), ce qui protège contre la dilapidation précipitée du patrimoine commun. La SCI crée un engagement collectif sur la durée (souvent 99 ans au max, renouvelables), là où l’indivision est par nature fragile et temporaire.
Ce long terme convient aux projets patrimoniaux structurés (ex : conservation d’un immeuble de génération en génération), tandis que l’indivision convient plutôt aux situations transitoires (en attendant un partage ou une vente prochainement).
Sur le plan de la transmission du patrimoine aux prochaines générations, la SCI révèle tout son intérêt. D’abord, la transmission de parts sociales est juridiquement plus simple qu’un partage matériel des biens indivis. Les héritiers d’un associé de SCI héritent de ses parts sans formalité immobilière (pas de changement au cadastre, pas de remembrement d’hypothèque, etc.) contrairement à l’indivision où chaque décès d’indivisaire oblige à traiter sa part de chaque bien.
Ensuite, la SCI permet la donation graduelle aux enfants : on peut donner des parts par tranches, en bénéficiant à chaque fois des abattements fiscaux (100 000 € par parent et par enfant tous les 15 ans en France) et ainsi transmettre progressivement sans attendre la succession. Mieux, on peut démembrer les parts de SCI : par exemple, les parents conservent l’usufruit des parts (donc le pouvoir de gestion et les revenus), et donnent la nue-propriété aux enfants.
Ainsi, au décès des parents, les enfants obtiennent automatiquement la pleine propriété des parts sans droits de succession (ceux-ci ayant été payés – souvent à taux réduit – lors de la donation de la nue-propriété). Le démembrement de propriété appliqué aux parts sociales facilite la transmission tout en permettant aux parents de conserver le contrôle de leur vivant. Ce mécanisme de transmission avec conservation du pouvoir est un atout majeur de la SCI familiale, prisé en optimisation patrimoniale.
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En indivision classique, un démembrement d’un bien est également possible (ex : usufruit au conjoint survivant, nue-propriété aux enfants), mais cela s’applique généralement à un seul bien et ne règle pas la question de la gestion collective (il y aura simplement des indivisaires nus-propriétaires ensemble).
La SCI permet de démembrer sur mesure les droits sociaux et d’éviter la multiplication des décideurs. Par exemple, seul l’usufruitier des parts (le parent) vote en assemblée, ce qui évite que les enfants interviennent tant qu’ils n’ont que la nue-propriété – la gestion est ainsi préservée des conflits tout en réduisant la base taxable de la succession.
Sous régime d’indivision, il n’y a pas de structure fiscale à part : chaque indivisaire paye l’impôt sur le revenu sur sa part de revenus fonciers, de plus-value, etc., comme vu plus haut.
Une indivision n’est pas une entité fiscale séparée, et elle ne peut pas opter pour l’impôt sur les sociétés. En revanche, la SCI offre le choix entre l’impôt sur le revenu (SCI dite transparente ou semi-transparente) et l’option à l’impôt sur les sociétés (SCI à l’IS).
Par défaut, une SCI familiale est transparente, chaque associé est imposé comme en indivision sur sa fraction de revenus (loyers taxés à sa tranche marginale + 17,2% prélèvements sociaux).
Sur option, la société devient redevable de l’impôt sociétés (taux 15% sur les premiers 42 500 € de bénéfices, puis 25% au-delà en 2025). Cette option à l’IS peut être intéressante si les loyers sont élevés par rapport aux autres revenus des associés, car le taux d’IS peut être plus faible que la tranche marginale de 30% ou 41%. De plus, à l’IS, on peut amortir comptablement les immeubles, ce qui réduit le résultat imposable (avantage fiscal).
Mais attention : l’IS présente l’inconvénient d’une double imposition en cas de distribution des revenus aux associés (après l’IS, les dividendes versés aux associés sont fiscalisés, souvent via la flat tax 30%). En clair, une SCI à l’IS se justifie pour capitaliser les revenus dans la société (investir, rembourser un emprunt…), pas pour les distribuer massivement aux associés.
Par ailleurs, en cas de cession d’un bien par une SCI à l’IS, la plus-value est calculée différemment (imposée au taux d’IS sans abattement pour durée de détention, là où un particulier bénéficie d’exonération progressive après 22 ans pour l’impôt et 30 ans pour les prélèvements sociaux). Ce point peut rendre la détention via SCI à l’IS moins attractive sur le long terme pour de l’immobilier non professionnel, sauf optimisation particulière.
Du point de vue droits de succession, indivision et SCI aboutissent souvent à des résultats similaires sur la valorisation, mais quelques différences sont à noter. Si un bien immobilier est détenu en direct par le défunt, sa valeur vénale entre dans l’actif successoral, avec parfois un abattement de 20% si ce bien était la résidence principale du défunt occupée par le conjoint survivant. En revanche, si cette résidence est logée dans une SCI, l’administration fiscale refuse généralement cet abattement de 20% sur les parts de la SCI, ce qui peut accroître la note fiscale pour les héritiers.
À l’inverse, une décote pour illiquidité ou minorité peut parfois être appliquée sur la valeur de parts de SCI transmises, surtout si les statuts comportent des clauses restreignant la cession (agrément). Cette décote (souvent de l’ordre de 10 à 20%) reflète qu’une part de SCI peut être moins facilement vendable qu’un bien en direct.
Ce n’est pas automatique mais c’est un levier potentiel d’optimisation : en intégrant un patrimoine immobilier dans une SCI puis en transmettant les parts, on peut réduire la base taxable, notamment si aucun associé ne détient à lui seul la majorité (d’où une décote pour minorité).
En indivision, ce type de décote est plus difficile à justifier, quoique dans certaines successions litigieuses, des héritiers ont plaidé la moindre valeur de leur part indivise en raison du blocage par les autres (cas rarissimes et contentieux).
En résumé, la SCI offre une plus grande souplesse pour la transmission du patrimoine, avec des outils comme l’échelonnement des donations et le démembrement de parts, tandis que l’indivision subit la transmission subie de la quote-part de chaque indivisaire à ses héritiers, ce qui peut multiplier les ayant-droits et compliquer la gestion future.
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L’indivision est simple à initier et ne coûte rien à gérer administrativement, mais elle est fragile et source de blocages si les héritiers ne sont pas unanimes. La SCI, plus complexe et onéreuse à mettre en place, apporte un cadre robuste pour la gestion collective et la transmission, au prix de quelques contraintes (tenue d’assemblées, comptabilité, etc.).
Pour un projet patrimonial court terme ou lorsque les héritiers envisagent de liquider rapidement l’héritage (vente des biens puis partage de l’argent), l’indivision peut suffire – ou une convention temporaire, voir ci-après. En revanche, pour un objectif long terme (conserver un immeuble de rapport dans la famille, organiser la transmission sur plusieurs générations, éviter les conflits), la SCI familiale apparaît souvent comme l’option la plus efficace.
Bien sûr, chaque situation est unique : il est conseillé de faire réaliser un audit successoral pour choisir la solution adaptée.
Les conseillers Sapians peuvent, avec l’aide de leurs partenaires notaires, à ce titre étudier avec vous le montage adéquat (indivision aménagée, création de SCI, démembrements…) et évaluer les impacts fiscaux et patrimoniaux de chaque option.