Dans un contexte économique tendu et face à une guerre des talents toujours plus vive, l'attribution d'actions gratuites (AGA) s'impose comme un levier incontournable pour fidéliser et motiver les cadres stratégiques des entreprises.
De plus en plus utilisée dans les LBO comme dans les scale-ups technologiques, et suite la nouvelle loi de finances de 2025, cette mécanique connaît des évolutions fiscales qu'il est essentiel d'anticiper.
Que faut-il savoir sur l'attribution d'actions gratuites ? Qui peut en bénéficier ? Quels pièges éviter ? Cet article fait le point, pour les dirigeants comme pour les investisseurs.
L'attribution d'actions gratuites permet à une entreprise d'accorder à ses collaborateurs des titres de son capital sans contrepartie financière immédiate. Contrairement aux stock-options ou aux BSPCE, l'AGA ne nécessite pas d'investissement de départ de la part du bénéficiaire : l'action est donnée, sous réserve de remplir certaines conditions d'acquisition et de conservation.
L’attribution d’actions gratuites permet donc d'aligner durablement les intérêts des talents clés avec ceux des actionnaires : en devenant eux-mêmes actionnaires, les salariés et dirigeants ont un intérêt direct à la croissance de la société.
L'accès au dispositif est strictement encadré. Seules les personnes physiques peuvent recevoir des actions gratuites : les salariés de l'entreprise ou de ses filiales, ainsi que les dirigeants mandataires sociaux qui exercent effectivement des fonctions opérationnelles. Notons qu'une holding interposée ne peut pas bénéficier directement d'actions gratuites. Le lien entre la société émettrice et le bénéficiaire doit être direct.
Par ailleurs, les entreprises doivent veiller à documenter soigneusement le lien d'emploi ou de mandat social, notamment en cas d'internationalisation du groupe ou d'organigramme complexe, pour éviter toute remise en cause ultérieure.
Pour creuser ce sujet, écoutez l'intervention de Pascal Gour, docteur en droit et avocat associé du cabinet Jeausserand Audoir, dans son échange avec Lucien Roy sur le podcast Le Family Office.
La contribution patronale, qui était jusqu'à récemment fixée à 20%, a été relevée à 30% pour toutes les nouvelles acquisitions définitives d'actions qui vont intervenir.
Une réforme des management packages a été votée, impactant directement le traitement de la plus-value. Désormais, lorsque les salariés ou dirigeants réalisent une plus-value dans le cadre de cessions d'outils attribués dans le cadre de leur fonction, et qu'on peut démontrer que le gain réalisé a un lien avec leur fonction, la plus-value devra être décomposée.
Pour la partie de la plus-value en dessous d'un certain multiple, le régime des plus-values classique s'applique (taux de 37% en tenant compte de la CDHR). Mais pour tout ce qui dépasse ce multiple, un nouveau taux s'applique, pouvant monter jusqu'à 59%.
Le taux de 59% mentionné se décompose en 45% de barème progressif de l'impôt sur le revenu, 4% de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, et une contribution spécifique salariale de 10% à la charge du salarié.
Le multiple est calculé en multipliant par trois la performance financière de la société. Par exemple, si la valeur de la société fait fois quatre entre l'attribution et la cession, la plus-value réalisée par le manager bénéficiera du régime des plus-values en dessous de 12 fois (3 × 4).
On retire de ce multiple la mise de départ, donc dans l'exemple donné, c'est plutôt 11 que 12 qui bénéficiera de l'ancien régime.
Pour les actions gratuites spécifiquement, la performance de la société s'apprécie entre la date d'attribution et la date de cession, et non pas entre la date d'acquisition et la date de cession (qui est la période sur laquelle on apprécie le gain). Ce décalage joue généralement en défaveur du manager si la société a continué à prendre de la valeur.
Des incertitudes demeurent concernant les possibilités de report d'imposition ou d'autres mécanismes pour la partie taxée au-delà du multiple. La problématique est particulièrement importante pour la partie réinvestie où il n'y a pas de liquidité, mais on espère une tolérance pour les gains différés du fait du réinvestissement.
La réforme est entrée en vigueur assez rapidement, sans réelle concertation, et a été modifiée par la commission mixte paritaire, créant une insécurité juridique. On attend des précisions dans le cadre d'un bulletin officiel des impôts pour clarifier les différents sujets.
Désormais, c'est le contribuable qui doit, sous sa responsabilité, choisir de déclarer le gain en salaire ou en plus-value.
Le choix peut être différencié entre les différents actionnaires d'une société, notamment lorsque leur historique n'est pas le même. Par exemple, les titres détenus par les fondateurs ne seront pas forcément traités de la même manière que ceux détenus par un manager qui les a reçus dans le cadre d'un plan d'actionnariat salarié.
Ces évolutions créent un régime plus complexe qui nécessite une analyse au cas par cas et une anticipation accrue pour les dirigeants concernés par des plans d'actions gratuites.
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L'entreprise peut choisir d'attribuer des actions ordinaires ou des actions de préférence, en fonction de la stratégie qu'elle souhaite mettre en œuvre (cet article sur le management package devrait vous intéresser). Quant au calendrier, elle doit respecter une période d'acquisition d'au moins un an, éventuellement suivie d'une période de conservation qui, cumulée à l'acquisition, doit atteindre au minimum deux ans.
Certains acteurs prévoient des plans "accélérés" conditionnés à des événements liquides (cession, introduction en bourse), afin de maximiser l'alignement d'intérêt entre le management et les actionnaires. D'autres préfèrent échelonner les attributions sur plusieurs tranches annuelles, renforçant ainsi la dynamique de fidélisation.
La fiscalité applicable aux AGA a été sensiblement durcie. Côté entreprise, une contribution patronale de 30 % est exigée sur la valeur des actions à la date d'acquisition définitive.
Pour les bénéficiaires, le gain constaté au moment de l'acquisition est désormais assimilé à un revenu salarial, imposé selon le barème progressif de l'impôt sur le revenu et soumis aux prélèvements sociaux. En cas de forte valorisation (par exemple lorsque l'entreprise triple de valeur entre l'attribution et la cession), la fiscalité peut devenir particulièrement lourde, atteignant parfois jusqu'à 65 % du gain global.
À noter que si l'entreprise connaît une croissance exceptionnelle, un "malus" fiscal peut s'appliquer sur les plus-values ultérieures, conduisant à une double peine pour les bénéficiaires. D'où l'importance d'anticiper la trajectoire de valorisation dès la conception du plan.
Prenons le cas d'un dirigeant auquel 5 000 actions gratuites sont attribuées, valorisées à 10€ chacune au moment de l'acquisition. Le gain d'acquisition est donc de 50 000€, soumis à l'impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux comme un salaire.
Si, deux ans plus tard, l'action vaut 30€ lors de la revente, la plus-value est de 20€ par action, soit 100 000€ au total. Selon le régime applicable, cette plus-value sera taxée comme une plus-value mobilière classique, sauf si le "malus" fiscal de performance s'applique.
Recevoir directement des actions gratuites dans une holding n'est pas autorisé. Toutefois, après acquisition, il est possible d'apporter ses titres à une holding personnelle, à condition d'être vigilant sur les conséquences fiscales de cette opération, notamment en matière de plus-value d'apport.
Il faut notamment analyser l'opportunité d'opter ou non pour le report d'imposition prévu par l'article 150-0 B ter du Code Général des Impôts, en fonction du projet patrimonial global (réinvestissement, cession partielle, transmission).
Quant au Plan d'Épargne en Actions (PEA), l'interdiction demeure ferme : les actions gratuites doivent obligatoirement être conservées en compte-titres ordinaire.
La mise en place d'un plan d'actions gratuites nécessite une rigueur extrême. Il ne suffit pas d'octroyer des titres : il faut encadrer précisément les conditions d'attribution et d'acquisition, anticiper la fiscalité applicable à chaque étape, veiller à la liquidité future des titres pour les bénéficiaires et prévenir tout risque de requalification fiscale.
Dans les contextes de LBO, l'équilibre entre intéressement au capital et rémunération doit être pensé avec finesse pour éviter tout risque de remise en cause par l'administration fiscale ou par les investisseurs futurs.
L'attribution d'actions gratuites reste un levier redoutablement efficace pour fidéliser et motiver les équipes stratégiques, à condition de bien en maîtriser les risques. Si les plafonds d'attribution ont été assouplis, la fiscalité s'est durcie, imposant une préparation méticuleuse.
Dirigeants et investisseurs doivent aujourd'hui redoubler d'attention, intégrer ces dispositifs dans une stratégie patrimoniale globale, et s'entourer d'experts pour tirer le meilleur parti des AGA sans mauvaises surprises fiscales. Si vous souhaitez être accompagné sur cette thématique, prenez rendez-vous avec un conseiller Sapians.