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Guide complet pour investir en dette privée (rendements, risques et sélection des meilleurs fonds)

Rédigé par Souleymane-Jean Galadima | Dec 19, 2025 4:34:32 PM

La dette privée (ou private debt / private credit) s’est installée en quelques années comme une brique régulière des allocations patrimoniales sophistiquées. Elle finance directement des entreprises non cotées, souvent via des prêts senior sécurisés, en dehors des marchés obligataires traditionnels. Cet univers attire pour une raison simple : il répond à un besoin structurel de financement des sociétés, pendant que les banques arbitrent leur bilan et leurs contraintes réglementaires.

Mais une question revient systématiquement chez les investisseurs : comment choisir un fonds de dette privée sans se perdre dans les promesses marketing, les effets de mode, les structures juridiques et les dizaines de stratégies différentes ?

 


1. Pourquoi la dette privée a pris autant d’ampleur

La croissance de la dette privée est d’abord une histoire de désintermédiation bancaire. Les règles prudentielles (Bâle, exigences de capital, coût du risque) rendent certaines catégories de prêts moins attractives pour les banques. Résultat : les fonds spécialisés se positionnent sur ces segments, avec des équipes d’origination et d’analyse crédit dédiées.

En 2025, le marché reste porté par plusieurs tendances :

  • besoin durable de financement des PME/ETI, souvent pour accompagner des opérations de croissance ou de LBO ;
  • standardisation d’une partie des deals (notamment l’unitranche aux US), qui fluidifie le financement privé ;
  • ouverture progressive au non-institutionnel en Europe via ELTIF 2.0, qui permet à davantage d’investisseurs d’accéder à des fonds de dette privée sous forme evergreen ou semi-liquide.
  • besoin de diversification des investisseurs institutionnels qui trouvent dans la dette privée un actif de diversification.

Pour l’investisseur patrimonial, l’intérêt majeur est de diversifier les sources de rendement avec un actif généralement moins sensible aux fluctuations quotidiennes des marchés cotés, bénéficier souvent d’un rendement régulier, tout en restant exposé à la santé réelle des entreprises financées.

2. Comprendre les grandes familles de dette privée

Avant de sélectionner un fonds de dette privée, il faut clarifier dans quel sous-marché il intervient. La “dette privée” est un parapluie qui recouvre plusieurs stratégies, avec des couples rendement/risque très différents.

Direct lending / senior secured

C’est le cœur du marché : des prêts seniors octroyés à des entreprises non cotées, souvent sponsorisées par des fonds de private equity (contrepartie d’un financement en capital dans le cadre d’une opération de LBO). L’objectif est un rendement régulier (coupon), avec un niveau de protection élevé via des sûretés et covenants.

Unitranche

Structure hybride très répandue aux États-Unis, et en forte progression en Europe. Un seul prêteur (ou un pool de prêteurs) fournit une dette unique combinant senior et junior. Avantage : rapidité d’exécution et flexibilité.

Mezzanine / junior

Dette subordonnée, plus risquée, souvent assortie d’un rendement plus élevé et parfois de mécanismes de partage de valeur (Bon de souscription d’actions). Elle intervient en complément d’une dette senior.

 

Situations spéciales / distressed

Prêts à des sociétés en transformation, dans des contextes plus complexes (refinancement, restructuration, carve-out). Rendement potentiellement plus élevé, mais dispersion plus forte.

Asset-based finance (ABF)

Financement adossé à des actifs (créances, stocks, infrastructures, immobilier, financement d’équipements). Univers en plein essor, souvent recherché pour sa décorrélation.

Pourquoi c’est clé ?

Deux fonds “dette privée” peuvent n’avoir pratiquement rien en commun. La sélection commence donc par l’identification du segment exact visé. C’est un point fondamental car dans l’optique d’une allocation diversifiée, un fonds de dette privée senior pourra avoir une forte corrélation à du private equity LBO, là ou un fonds de dette mezzanine aura un moins fort taux de corrélation.

3. États-Unis vs Europe : un filtre de sélection indispensable

Les différences de marché entre les États-Unis et l’Europe ne sont pas qu’un détail géographique : elles influencent directement la manière d’évaluer un gestionnaire.

Taille de marché et concurrence

Aux États-Unis, le private credit est plus ancien, plus profond et plus compétitif. Cela crée un deal flow abondant mais aussi une vraie pression sur le pricing. Les spreads (écart entre le rendement et le risque) sur l’unitranche mid-market ont été comprimés par la concurrence entre prêteurs en 2025.

En Europe, la croissance est solide mais le marché reste plus fragmenté par pays. Cette fragmentation réduit la standardisation… mais crée aussi une prime pour les équipes capables de sourcer localement et de structurer en multi-juridiction.

Implication pour l’investisseur :

  • Aux US, le vrai différenciateur est la capacité du fonds à rester discipliné malgré la pression concurrentielle.

  • En Europe, le différenciateur est souvent l’expertise locale et juridique, et l’accès à des transactions moins “commoditisées”.

Leverage : des niveaux différents

En direct lending sponsorisé, les ordres de grandeur observés en 2024-2025 montrent :

  • États-Unis : dette totale autour de 5,5x à 6,0x EBITDA sur l’unitranche mid-market ;

  • Europe : plutôt 4,5x à 5,0x EBITDA, en moyenne un cran plus conservateur.

Ce différentiel reflète à la fois la culture de crédit, la concurrence et les cadres de restructuration.

Implication pour la sélection :

A risque équivalent, un fonds européen pourra offrir plus de protections (covenants, sûretés) là où un fonds US pourra offrir plus de standardisation et de volume. Cela se traduit aussi souvent par un plus fort rendement sur le fonds US vs Européen (et un risque plus élevé également).

Covenants et documentation

Le covenant-lite (caractéristique d'une dette assortie de peu ou pas de covenant) reste plus commun aux États-Unis. En Europe, les covenants sont encore plus contraignants sur le mid-market.

Implication pour vous : quand vous examinez un fonds, regardez la tendance des protections sur “bons dossiers”. Un gestionnaire qui sacrifie trop de discipline pour gagner des deals peut payer la facture plus tard.

4. Les critères concrets pour évaluer un fonds de dette privée

Passons au pratique. Voici les axes qui permettent réellement de sélectionner un fonds de dette privée.

La qualité et la source de l’origination

C’est le nerf de la guerre. Un fonds performant est d’abord un fonds qui accède à un deal flow de qualité avant la concurrence ou avec un avantage clair.

Questions à se poser :

  • Le gestionnaire dépend-il surtout des sponsors (fonds de private-equity), ou a-t-il aussi une franchise sponsorless ?
  • Quelle est la part des deals “propriétaires” (sourcés en direct) vs intermédiés ?
  • Le fonds a-t-il une présence locale forte si stratégie européenne ?

La capacité à originer et à “gagner” les bons deals est un critère central pour distinguer les meilleurs gestionnaires. Sur le marché européen, les gérants les mieux implantés historiquement seront ceux qui auront la meilleure capacité à sourcer et remporter des deals.

La méthode d’underwriting et de structuration

Un fonds de dette privée est un investisseur crédit : son métier est de prêter avec rigueur.

Cherchez :

  • une équipe d’analyse crédit expérimentée, capable de couvrir les cycles ;
  • un processus clair : due diligence commerciale, financière, ESG, stress tests ;
  • une cohérence historique entre politique affichée et portefeuille réel.

Les guides de diligence insistent sur la nécessité d’évaluer la discipline d’underwriting et la cohérence des valorisations.

Les protections du prêteur

C’est le cœur de la “défense” en dette privée.

À vérifier :

  • rang dans la structure de capital (senior sécurisé vs junior) ;
  • sûretés : garantie sur actifs, share pledge, security package ;
  • covenants : maintenance vs incurrence, seuils, fréquence des tests ;
  • endettement : niveau d’endettement actuel des entreprises du portefeuille ;
  • droits de gouvernance en cas de dérive de performance.

Un fonds qui revendique un profil prudent doit le montrer dans ses termes.

Diversification du portefeuille

Regardez :

  • nombre de lignes (un fonds très concentré doit prouver sa maîtrise) ;
  • diversification sectorielle ;
  • exposition géographique réelle ;
  • part de refinancements vs new money.

La dette privée est moins liquide : la diversification est un amortisseur essentiel.

Structure du fonds et alignement d’intérêts

La sélection d’un fonds ne se résume pas au portefeuille : la structure juridique et économique compte.

Questions utiles :

  • fonds fermé (10-12 ans) ou evergreen / semi-liquide ?
  • rythme d’investissement et de distributions ?
  • mécanisme de “waterfall” et de carried interest ?
  • parts de l’investissement des dirigeants du gestionnaire dans le fonds (co-invest) ?

ELTIF 2.0 favorise l’émergence de fonds plus accessibles mais avec des règles de liquidité spécifiques. Il faut les comprendre en scénario nominal et en situation de crise de liquidités avant d’investir.

 Track record de l’équipe de gestion

Au même titre qu’un fonds de private-equity, on sera attentif au track-record détaillé de l’équipe de gestion du fonds de dette privée.

Idéalement, on souhaitera analyser le détail des lignes pour identifier le taux de défaut des portefeuilles et la régularité des performances.

Si l’équipe est nouvelle, il faudra analyser le track-record individuel des gérants.

Cette analyse ne permet bien entendu pas de prédire l’avenir mais permet d’avoir une bonne visibilité sur la capacité de l’équipe a gérer les crises du passé.

5. Points de vigilance : les risques à analyser

La dette privée peut être robuste, mais pas magique. Trois points méritent une attention particulière. 

Illiquidité 

Même avec des véhicules evergreen, la liquidité est encadrée (fenêtres de rachat, gates qui contraignent le volume de rachat, préavis). C’est normal : les prêts sous-jacents ne se revendent pas comme une obligation cotée. 

À retenir : n’investissez pas une poche que vous pourriez devoir mobiliser à court terme. 

Risque de crédit et dispersion 

Le rendement dépend du défaut et du taux de recouvrement. La discipline d’origination et la qualité des protections sont ce qui explique l’écart entre fonds. 

Opacité relative des valorisations 

Les prêts ne sont pas cotés. Les méthodes d’évaluation doivent être robustes et cohérentes avec le marché. Des standards existent, mais l’investisseur doit s’assurer que le gestionnaire les applique correctement. 

Créez votre compte pour accéder à une présélection adaptée à votre profil. 

Niveau de frais et d’endettement des fonds  

Avec la démocratisation des marchés non cotés et de la dette privée plus précisément, de nombreux fonds donnent accès à leur stratégie pour des tickets d’entrée de plus en plus faibles.  

Il faut faire très attention à la structure de ces fonds car ils sont souvent chargés en frais de tous genre (structuration, gestion, fonds-de-fonds, double dose de carried interest…).  

Pour présenter à l’investisseur privé un niveau de performance alléchant, certains fonds n’hésitent pas à s’endetter de façon à bénéficier de l’effet de levier.  

Ces deux métriques sont importantes à prendre en compte car elles augmentent mécaniquement le risque pour l’investisseur en cas de perturbations sur le marché de la dette privée.  

6. Comment intégrer la dette privée dans une allocation patrimoniale

La bonne question n’est pas seulement “quel fonds ?”, mais “quelle place dans mon allocation ?”.

Quelques repères :

  • La dette privée est souvent utilisée comme pivot rendement/risque entre obligations et private equity.
  • Elle fonctionne particulièrement bien en complément d’un portefeuille diversifié, pour chercher un rendement contractualisé.
  • Elle peut être intéressante car moins corrélé aux marchés financiers que le private equity.

En pratique, le poids dépend de votre horizon, de votre revenu, de votre tolérance à l’illiquidité et de vos autres expositions alternatives.

 

7. Finaliser son choix : le bon fonds est celui qui colle à votre objectif

Sélectionner un fonds de dette privée revient à aligner trois choses :

  1. Votre besoin patrimonial (rendement, visibilité, diversification, horizon).
  2. Le segment de marché (senior, unitranche, mezzanine…).
  3. La qualité du gestionnaire (origination, underwriting, protections, structure).

Si un seul de ces trois piliers ne tient pas, l’investissement devient incohérent.

Et c’est précisément là que l’accompagnement compte : comparer des fonds de dette privée exige de comprendre autant le portefeuille que les détails juridiques et économiques du véhicule.

Envie d’aller plus loin ?

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