La dette privée (ou private debt / private credit) s’est installée en quelques années comme une brique régulière des allocations patrimoniales sophistiquées. Elle finance directement des entreprises non cotées, souvent via des prêts senior sécurisés, en dehors des marchés obligataires traditionnels. Cet univers attire pour une raison simple : il répond à un besoin structurel de financement des sociétés, pendant que les banques arbitrent leur bilan et leurs contraintes réglementaires.
Mais une question revient systématiquement chez les investisseurs : comment choisir un fonds de dette privée sans se perdre dans les promesses marketing, les effets de mode, les structures juridiques et les dizaines de stratégies différentes ?
La croissance de la dette privée est d’abord une histoire de désintermédiation bancaire. Les règles prudentielles (Bâle, exigences de capital, coût du risque) rendent certaines catégories de prêts moins attractives pour les banques. Résultat : les fonds spécialisés se positionnent sur ces segments, avec des équipes d’origination et d’analyse crédit dédiées.
En 2025, le marché reste porté par plusieurs tendances :
Pour l’investisseur patrimonial, l’intérêt majeur est de diversifier les sources de rendement avec un actif généralement moins sensible aux fluctuations quotidiennes des marchés cotés, bénéficier souvent d’un rendement régulier, tout en restant exposé à la santé réelle des entreprises financées.
Avant de sélectionner un fonds de dette privée, il faut clarifier dans quel sous-marché il intervient. La “dette privée” est un parapluie qui recouvre plusieurs stratégies, avec des couples rendement/risque très différents.
C’est le cœur du marché : des prêts seniors octroyés à des entreprises non cotées, souvent sponsorisées par des fonds de private equity (contrepartie d’un financement en capital dans le cadre d’une opération de LBO). L’objectif est un rendement régulier (coupon), avec un niveau de protection élevé via des sûretés et covenants.
Structure hybride très répandue aux États-Unis, et en forte progression en Europe. Un seul prêteur (ou un pool de prêteurs) fournit une dette unique combinant senior et junior. Avantage : rapidité d’exécution et flexibilité.
Dette subordonnée, plus risquée, souvent assortie d’un rendement plus élevé et parfois de mécanismes de partage de valeur (Bon de souscription d’actions). Elle intervient en complément d’une dette senior.
Prêts à des sociétés en transformation, dans des contextes plus complexes (refinancement, restructuration, carve-out). Rendement potentiellement plus élevé, mais dispersion plus forte.
Financement adossé à des actifs (créances, stocks, infrastructures, immobilier, financement d’équipements). Univers en plein essor, souvent recherché pour sa décorrélation.
Deux fonds “dette privée” peuvent n’avoir pratiquement rien en commun. La sélection commence donc par l’identification du segment exact visé. C’est un point fondamental car dans l’optique d’une allocation diversifiée, un fonds de dette privée senior pourra avoir une forte corrélation à du private equity LBO, là ou un fonds de dette mezzanine aura un moins fort taux de corrélation.
Les différences de marché entre les États-Unis et l’Europe ne sont pas qu’un détail géographique : elles influencent directement la manière d’évaluer un gestionnaire.
Aux États-Unis, le private credit est plus ancien, plus profond et plus compétitif. Cela crée un deal flow abondant mais aussi une vraie pression sur le pricing. Les spreads (écart entre le rendement et le risque) sur l’unitranche mid-market ont été comprimés par la concurrence entre prêteurs en 2025.
En Europe, la croissance est solide mais le marché reste plus fragmenté par pays. Cette fragmentation réduit la standardisation… mais crée aussi une prime pour les équipes capables de sourcer localement et de structurer en multi-juridiction.
Implication pour l’investisseur :
Aux US, le vrai différenciateur est la capacité du fonds à rester discipliné malgré la pression concurrentielle.
En Europe, le différenciateur est souvent l’expertise locale et juridique, et l’accès à des transactions moins “commoditisées”.
En direct lending sponsorisé, les ordres de grandeur observés en 2024-2025 montrent :
États-Unis : dette totale autour de 5,5x à 6,0x EBITDA sur l’unitranche mid-market ;
Europe : plutôt 4,5x à 5,0x EBITDA, en moyenne un cran plus conservateur.
Ce différentiel reflète à la fois la culture de crédit, la concurrence et les cadres de restructuration.
Implication pour la sélection :
A risque équivalent, un fonds européen pourra offrir plus de protections (covenants, sûretés) là où un fonds US pourra offrir plus de standardisation et de volume. Cela se traduit aussi souvent par un plus fort rendement sur le fonds US vs Européen (et un risque plus élevé également).
Le covenant-lite (caractéristique d'une dette assortie de peu ou pas de covenant) reste plus commun aux États-Unis. En Europe, les covenants sont encore plus contraignants sur le mid-market.
Implication pour vous : quand vous examinez un fonds, regardez la tendance des protections sur “bons dossiers”. Un gestionnaire qui sacrifie trop de discipline pour gagner des deals peut payer la facture plus tard.
Passons au pratique. Voici les axes qui permettent réellement de sélectionner un fonds de dette privée.
C’est le nerf de la guerre. Un fonds performant est d’abord un fonds qui accède à un deal flow de qualité avant la concurrence ou avec un avantage clair.
Questions à se poser :
La capacité à originer et à “gagner” les bons deals est un critère central pour distinguer les meilleurs gestionnaires. Sur le marché européen, les gérants les mieux implantés historiquement seront ceux qui auront la meilleure capacité à sourcer et remporter des deals.
Un fonds de dette privée est un investisseur crédit : son métier est de prêter avec rigueur.
Cherchez :
Les guides de diligence insistent sur la nécessité d’évaluer la discipline d’underwriting et la cohérence des valorisations.
C’est le cœur de la “défense” en dette privée.
À vérifier :
Un fonds qui revendique un profil prudent doit le montrer dans ses termes.
Regardez :
La dette privée est moins liquide : la diversification est un amortisseur essentiel.
La sélection d’un fonds ne se résume pas au portefeuille : la structure juridique et économique compte.
Questions utiles :
ELTIF 2.0 favorise l’émergence de fonds plus accessibles mais avec des règles de liquidité spécifiques. Il faut les comprendre en scénario nominal et en situation de crise de liquidités avant d’investir.
Au même titre qu’un fonds de private-equity, on sera attentif au track-record détaillé de l’équipe de gestion du fonds de dette privée.
Idéalement, on souhaitera analyser le détail des lignes pour identifier le taux de défaut des portefeuilles et la régularité des performances.
Si l’équipe est nouvelle, il faudra analyser le track-record individuel des gérants.
Cette analyse ne permet bien entendu pas de prédire l’avenir mais permet d’avoir une bonne visibilité sur la capacité de l’équipe a gérer les crises du passé.
La dette privée peut être robuste, mais pas magique. Trois points méritent une attention particulière.
Même avec des véhicules evergreen, la liquidité est encadrée (fenêtres de rachat, gates qui contraignent le volume de rachat, préavis). C’est normal : les prêts sous-jacents ne se revendent pas comme une obligation cotée.
À retenir : n’investissez pas une poche que vous pourriez devoir mobiliser à court terme.
Le rendement dépend du défaut et du taux de recouvrement. La discipline d’origination et la qualité des protections sont ce qui explique l’écart entre fonds.
Les prêts ne sont pas cotés. Les méthodes d’évaluation doivent être robustes et cohérentes avec le marché. Des standards existent, mais l’investisseur doit s’assurer que le gestionnaire les applique correctement.
Créez votre compte pour accéder à une présélection adaptée à votre profil.
Avec la démocratisation des marchés non cotés et de la dette privée plus précisément, de nombreux fonds donnent accès à leur stratégie pour des tickets d’entrée de plus en plus faibles.
Il faut faire très attention à la structure de ces fonds car ils sont souvent chargés en frais de tous genre (structuration, gestion, fonds-de-fonds, double dose de carried interest…).
Pour présenter à l’investisseur privé un niveau de performance alléchant, certains fonds n’hésitent pas à s’endetter de façon à bénéficier de l’effet de levier.
Ces deux métriques sont importantes à prendre en compte car elles augmentent mécaniquement le risque pour l’investisseur en cas de perturbations sur le marché de la dette privée.
La bonne question n’est pas seulement “quel fonds ?”, mais “quelle place dans mon allocation ?”.
Quelques repères :
En pratique, le poids dépend de votre horizon, de votre revenu, de votre tolérance à l’illiquidité et de vos autres expositions alternatives.
Sélectionner un fonds de dette privée revient à aligner trois choses :
Si un seul de ces trois piliers ne tient pas, l’investissement devient incohérent.
Et c’est précisément là que l’accompagnement compte : comparer des fonds de dette privée exige de comprendre autant le portefeuille que les détails juridiques et économiques du véhicule.
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