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Le earn-out : définition, fonctionnement, bonnes pratiques...

Rédigé par Souleymane-Jean Galadima | Mar 1, 2024 12:59:35 PM

Afin de favoriser l’obtention d’un accord entre le vendeur et l’acheteur autour de la valorisation, de nombreuses opérations d’acquisition intègrent une clause de complément de prix, dite earn-out, qui conditionne aux performances futures de l’entreprise le versement, par le repreneur, d’une somme additionnelle au montant déjà déboursé le jour de la vente.

Souvent présenté comme « gagnant-gagnant », ce mécanisme peut toutefois, s’il est mal négocié et mal rédigé, porter préjudice au cédant. Nos conseils pour éviter les désillusions et optimiser l’allocation de cette manne dans un second.   

Fin 2023, le groupe Spie annonçait la signature d’un accord portant sur l’acquisition de la société allemande Robur Industry Service Group. Quelques mois plus tôt, l’entreprise américaine Concentrix avait officialisé son rapprochement avec son concurrent français Webhelp (nous avons reçu Olivier Duha, le co-fondateur, qui nous en parle dans cet épisode de podcast). Peu avant, l’éditeur de jeux vidéo montpelliérain Plug In Digital mettait la main sur le studio parisien Celsius Online.

De tailles et de natures différentes, ces transactions partagent néanmoins un point commun : l’intégration, dans le contrat de cession, d’une clause de « complément de prix », ou « earn-out ». De quoi s’agit-il ? 

Qu'est-ce que l'earn-out ? 

L’earn-out constitue un mécanisme simple, du moins dans son principe. Son objectif vise en effet à permettre au cédant de continuer de tirer profit des performances futures de l’entreprise, postérieurement à la vente de ses titres, sur une période limitée. Parce que les attentes des parties ne sont pas forcément alignées quant aux perspectives à court-moyen termes de la société, il est fréquent qu’un désaccord persiste autour de la valorisation, au point parfois de menacer la concrétisation du projet de transaction. La clause de « complément de prix » a justement vocation à empêcher un tel scénario. 

Concrètement, le jour de la signature du contrat de cession (closing), l’acquéreur s’acquitte auprès du vendeur d’un montant plancher au titre du rachat de sa participation. Ce versement est ferme et définitif. Lors de la négociation préalable, les parties ont cependant pu s’accorder, contractuellement, sur une série de conditions que l’entreprise doit atteindre sur un horizon prédéterminé, généralement de l’ordre d’un à deux ans. Il s’agit le plus souvent de performances financières, mais pas toujours (obtention d’un brevet, extinction d’un contentieux judiciaire, etc.).

Dans le cas où ces conditions se trouvent effectivement remplies par l’entreprise à la date butoir, le repreneur doit alors distribuer au vendeur une somme complémentaire – l’earn-out –, qui correspond soit à un montant fixe, soit à un montant qui fluctue selon une grille pré-établie d’objectifs. Dans le cas où ces derniers ne sont pas atteints, l’earn-out n’est alors pas distribué.   

 

Sur le papier, cette clause s’apparente à un dispositif gagnant-gagnant. Pour l’acquéreur, elle permet une reprise à l’instant-T à un coût moindre, ce qui vient limiter son risque ; pour le vendeur, cette caractéristique contribue à favoriser le dénouement de la transaction, tout en lui offrant l’opportunité de maximiser le fruit de sa cession.  

 

L'earn-out est un mécanisme de plus en plus courant 

Si son degré d’utilisation varie en fonction du secteur d’activité de l’entreprise à céder, de facteurs propres à sa situation financière ou juridique du moment, ou encore de l’état de la conjoncture macro-économique, ce mécanisme s’est, d’après les banquiers et les avocats d’affaires, invité dans un nombre croissant d’opérations de cession-acquisition au cours des dernières années.

Le plus souvent, l’intégration d’une clause d’earn-out est sollicitée par les repreneurs, qu’il s’agisse d’entreprises ou de fonds d’investissement, tous soucieux d’économiser sur leur investissement de départ. Mais depuis quelques mois, les vendeurs y trouvent aussi un intérêt accru. Il faut dire que, après avoir atteint un sommet historique en 2021, la valorisation médiane des PME européennes non-cotées ne cesse de refluer. D’après l’indice de référence Argos Index, leur valeur médiane est en effet passée de 11,6 fois l’Ebitda mi-2021 à 9 fois l’Ebitda lors du quatrième trimestre 2023.

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Une correction sensible et rapide, que les candidats à la vente peinent à intégrer. Dans ce cadre, la stratégie consistant à accepter un prix d’achat inférieur, conforme à l’exigence de l’acheteur, mais assorti d’un earn-out susceptible d’aboutir ultérieurement au montant initialement espéré, semble se révéler parfaitement adaptée aux circonstances actuelles.    


Un alignement d’intérêts entre les parties… qui n’est que partiel 

Si les clauses d’earn-out sont réputées s’inscrire dans une logique « gagnant-gagnant », c’est parce qu’il est dans l’intérêt conjoint du cédant et du repreneur de voir la société continuer de prospérer à l’issue de la transaction. Pour autant, il serait trompeur de parler d’alignement total entre les parties.  

En effet, il est légitime de penser qu’un acquéreur puisse préférer ne pas atteindre, dans le délai prévu, les conditions déclenchant le paiement du complément de prix au vendeur.

  • Première explication possible : réduire le coût global de l’opération.
  • Deuxième explication : tous deux ont une approche temporelle sensiblement différente, ce qui n’est pas sans incidence sur la stratégie déployée.

Tandis que le nouvel actionnaire, qui a une vision moyen-long terme, pourra vouloir soit investir rapidement pour franchir une étape de développement, soit temporiser sur certains projets jusqu’à bénéficier d’une meilleure visibilité, ses choix peuvent compromettre l’atteinte des objectifs arrêtés avec son prédécesseur. Pour sa part, l’ancien actionnaire voudra que les mesures initiées par son successeur n’hypothèquent pas le versement de ce dernier.  

Preuve que le débouclage des clauses d’earn-out ne relève en rien d’une formalité dans la pratique, les avocats font systématiquement état de contentieux entre les parties sur ce sujet. A l’origine de ces litiges figurent le plus souvent des désaccords sur le périmètre et/ou le calcul des objectifs retenus (chiffre d’affaires, résultat opérationnel (Ebitda), etc.), ainsi qu’un changement notable d’environnement (économique, fiscal, réglementaire, politique…).  

 

Comment rédiger la clause de l'earn-out 

Face à cette perspective, inutile d’insister sur le fait que la rédaction de la clause de complément de prix mérite une attention exacerbée. Avant tout, le B.A.BA consiste pour le cédant à s’entourer de ses propres conseils juridique et financier, qui veilleront non seulement à ce que les termes retenus soient parfaitement clairs et non-sujets à interprétation, mais aussi à ce que les objectifs entérinés soient parfaitement atteignables. Pour ce faire, un business plan portant sur la période concernée pourra être établi.  

Le paragraphe afférent à l’earn-out devra impérativement comporter :  

  • Des définitions minutieusement détaillées des indicateurs-cibles. Par exemple, si le versement du complément de prix est conditionné à la croissance de l’Ebitda, il est recommandé de stipuler les dépenses à inclure et à exclure du calcul ; 
  • La description des modes de calcul qui s’appliqueront ; 
  • Les normes comptables et les règles fiscales à prendre en compte pour ce faire ; 
  • La période précise durant laquelle la clause opère. 

 

Ces prérequis sont d’autant plus importants que leur absence peut entraîner la nullité de la clause. En effet, la jurisprudence a clairement établi que le prix d’une acquisition doit être « déterminé » ou « déterminable ». Or un juge pourrait être amené à considérer que cette condition n’est pas remplie dès lors que la rédaction de la clause d’earn-out apparaît imprécise

 

En parallèle, il est recommandé de prévoir contractuellement d’autres paramètres, parmi lesquels : 

  • La procédure applicable dans le cas où un évènement imprévu (déclenchement d’une guerre ou d’une pandémie de type Covid-19…) et exogène viendrait affecter les performances de l’entreprise, et donc compromettre le paiement de l’earn-out dans la période déterminée ; 
  • La désignation d’un expert indépendant en cas de désaccords entre les parties ;
  • Le rôle précis que continuera d’occuper le cédant pendant la période de validité de la clause, que ce soit sur un plan opérationnel ou en lien avec la gouvernance ;
  • L’inclusion d’un droit de veto sur certaines opérations de nature à affecter les objectifs de performance définis par les parties, comme par exemple une cession d’actifs – qui entraînerait une baisse du chiffre d’affaires – ou une acquisition – qui pourrait faire bondir l’endettement et dégrader, à l’instant-T, les états financiers de l’entreprise ; 
  • Les règles applicables à la détermination du cours de référence si l’entreprise génère des flux financiers en devises étrangères. 

 

Négocier l'earn out : points de vigilance 

Durant le processus de négociation, voire en amont du lancement du processus de cession, le vendeur ne devra également pas occulter une autre problématique centrale : la stratégie patrimoniale qu’il entend mettre en œuvre avec le fruit de la vente future, y compris de son earn-out.  

S’il envisage de poursuivre une activité entrepreneuriale, le recours au dispositif d’apport-cession prévu par l’article 150-0 b Ter du Code Général des Impôts peut se révéler extrêmement intéressant pour optimiser à court terme sa fiscalité et, surtout, pour se doter de marges de manœuvre élargies pour financer ses nouveaux projets professionnels. 

Mais le produit de cession peut aussi avoir vocation à être placé dans des supports financiers ou investi dans certains actifs, immobiliers par exemple, dans l’optique notamment de constituer un revenu complémentaire pendant la retraite.  

Quels que soient les buts recherchés, un examen approfondi de la situation familiale et patrimoniale du chef d’entreprise et de ses objectifs sera nécessaire afin de définir la stratégie idoine.

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